Triompher des lenteurs étatiques
Triompher des lenteurs étatiques pour vaincre l'infarctus, par Abderrahmane Ameur Par Abderrahmane Ameur, cardiologue, vice-présent des Urgences cardiologiques de Paris Publié le 15/08/2006 à 06 : 00 par le FIGARO
Parce que les maladies cardio-vasculaires représentent en France la première cause de mortalité avec plus de 165 000 morts par an, et que l'infarctus du myocarde est à lui seul responsable du tiers de cette mortalité, un pool de cardiologues libéraux a eu l'idée de créer un centre d'intervention rapide spécialisé dans les urgences cardiologiques et baptisé UMDT (Unité mobile pour la douleur thoracique).
Ce projet de santé publique, qui répond à un besoin vital et qui a été salué par certaines instances scientifiques internationales, notamment l'American College of Cardiology, comme une première mondiale, rencontre dans sa phase de réalisation des réticences, voire des résistances, corporatistes ou administratives, aussi incompréhensibles que révoltantes. Elles sont probablement dues à ce mal typiquement français qui paralyse l'économie de notre pays et qui est indistinctement imputable à la gauche comme à la droite : le découragement de toute initiative privée et l'obsession du centralisme, qu'il émane de l'État ou de certaines corporations hermétiquement fermées à l'émulation et à la concurrence. Il s'agit pourtant d'un projet inédit et prometteur, susceptible de sauver des milliers de vies, d'alléger certaines dépenses publiques, et de générer de multiples emplois.
L'idée découle certes d'un vide, ou plus exactement d'un défi que les services d'urgence polyvalents et classiques ne sont plus en mesure de relever, nonobstant leur compétence et leur extrême utilité. Mais elle procède aussi d'un constat de professionnels en cardiologie qui, forts de leur expérience de terrain, ont pu largement évaluer les lacunes qui entraînent une diminution de chances pour le pronostic vital. Or, pour réduire considérablement les décès par accidents cardio-vasculaires, il est primordial de gommer ces lacunes inhérentes à la non-spécialisation en resituant par conséquent les priorités sur la conduite à tenir pour optimiser la prise en charge notamment de l'infarctus du myocarde. Il est ainsi essentiel de gagner du temps sur le temps, c'est-à-dire la rapidité d'intervention du cardiologue qui doit être impérativement présent auprès du patient dès la réception de l'appel d'urgence.
Pourquoi le cardiologue ? Tout simplement parce qu'il s'agit de son domaine de compétence. Pour établir son diagnostic, le cardiologue est en effet à même, d'une part, d'éliminer d'emblée les causes non cardiologiques évitant ainsi des hospitalisations abusives et onéreuses en termes de dépenses publiques et, d'autre part, d'établir un diagnostic cardiologique précis et précoce au domicile du patient en amont de l'évolution inexorable de l'infarctus.
Pour ce faire, le cardiologue, de manière tout à fait innovante, est équipé de réactifs biologiques à réponse immédiate lui permettant une prise de décision rapide quant au type de traitement qu'il va pouvoir administrer à domicile afin de bloquer le processus thrombotique responsable de l'infarctus.
Cette action est aujourd'hui rendue possible par l'instauration précoce, c'est-à-dire à domicile, de molécules ciblées et performantes. C'est en respectant ces priorités que le patient ainsi stabilisé c'est-à-dire le processus thrombotique stoppé pourra être transféré efficacement vers un centre d'intervention coronarien, qui disposera en temps réel des données recueillies au domicile, permettant à l'équipe de cardiologues hospitaliers de compléter rapidement l'action thérapeutique en ouvrant l'artère coronaire responsable de l'infarctus.
L'UMDT est un concept novateur et unique, intégrant un centre de traitement des appels d'urgence exclusivement consacré à la douleur thoracique, un dossier médical informatisé et une unité d'intervention mobile spécialisée dans le diagnostic et le traitement de la douleur thoracique. De ce fait, l'UMDT, projet qui attend de voir le jour et dont les initiateurs ne demandent aucune subvention étatique, accompagne le patient dans sa prise en charge en gagnant du temps sur le temps dans cette course contre la montre... et contre la mort, pour sauver non seulement la vie, mais également éviter les complications déplorables en cas de geste retardé et ses conséquences sur la vie des patients.
Abderrahmane Ameur, cardiologue, vice-présent des Urgences cardiologiques de Paris